Voici 3 fables que je donne à mes élèves de CE2, CM1 ou CM2, traditionnellement à la rentrée scolaire. J’ai enregistré chacune d’elle et mis la vidéo en ligne sur Youtube avec leur texte progressivement masqué. La vidéo peut être donnée en support d’apprentissage à la maison.
  1. La première, le Laboureur et ses enfants, est de La Fontaine et raconte l’histoire d’un laboureur qui fait croire à ses enfants qu’un trésor est caché dans son champ. A force de creuser partout pour le trouver, les fils retournent le champ si bien que celui-ci produira bien plus que d’habitude : « D’argent, point de caché, mais le père fut sage, de leur montrer avant sa mort que le travail est un trésor« 
  2. « Sans un peu de travail on n’a point de plaisir » : C’est la morale de la fable que je vous propose ensuite. Elle est de Jean-Pierre Claris de Florian et vos élèves riront bien de cette guenon écervelée qui tente de manger une noix avec sa coquille.
  3. La troisième enfin est plus longue. Je la réserve aux CM2. Elle raconte l’histoire d’un jeune funambule qui tente de se passer de balancier : il se casse le nez. Le fabuliste compare le balancier aux règles et aux lois qui semblent contraignantes aux jeunes gens : ce sont elles, pourtant qui font leur sureté.
Fable 1 : le laboureur et ses enfants
Le laboureur et ses enfants de Jean de La Fontaine Travaillez, prenez de la peine : C’est le fonds qui manque le moins. Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine, Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins. Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’héritage Que nous ont laissé nos parents. Un trésor est caché dedans. Je ne sais pas l’endroit ; mais un peu de courage Vous le fera trouver, vous en viendrez à bout. Remuez votre champ dès qu’on aura fait l’Oût. Creusez, fouillez, bêchez ; ne laissez nulle place Où la main ne passe et repasse. Le père mort, les fils vous retournent le champ Deçà, delà, partout ; si bien qu’au bout de l’an Il en rapporta davantage. D’argent, point de caché. Mais le père fut sage De leur montrer avant sa mort Que le travail est un trésor.
J’ai enregistré cette poésie trois fois de suite (en masquant le texte, petit à petit), pour aider les élèves à apprendre le texte. On trouve déjà cette poésie, comme beaucoup d’autres, sur le Net, mais les règles élémentaires de versification sont souvent massacrées. Ici, comme chez La Fontaine, les vers font 8 ou 12 syllabes : on doit donc en entendre 8, ou 12 , pas 7 ou 10… ! Vous pouvez leur donner le lien :
Fable 2 : La guenon, le singe et la noix

Ici, c’est l’histoire d’une guenon qui tente de manger une noix sans la casser, avec même sa coque verte. Alors elle ronchonne en disant que les grandes personnes lui ont raconté des sornettes : les noix ne sont pas bonnes du tout ! (Forcément, avec la coquille…). Sur ce, arrive un singe, qui casse la noix, la déguste et déclame : « …les noix ont fort bon goût… mais il faut les ouvrir ! Souvenez-vous que, dans la vie, sans un peu de travail, on n’a point de plaisir ».

La guenon, le singe et la noix

Une jeune guenon cueillit Une noix dans sa coque verte ; Elle y porte la dent, fait la grimace… ah ! Certe, Dit-elle, ma mère mentit Quand elle m’assura que les noix étaient bonnes. Puis, croyez aux discours de ces vieilles personnes Qui trompent la jeunesse ! Au diable soit le fruit ! Elle jette la noix. Un singe la ramasse, Vite entre deux cailloux la casse, L’épluche, la mange, et lui dit : « Votre mère eut raison, ma mie : Les noix ont fort bon goût, mais il faut les ouvrir. Souvenez-vous que, dans la vie, Sans un peu de travail on n’a point de plaisir ».

Ma poésie de rentrée (CM) : Sans un peu de travail on n'a point de plaisir.

Remarque : Ce n’est pas une coquille, certes s’écrit bien sans -s dans ce poème (licence poétique). On retrouve ce certe dans Jeanne était au pain sec de Victor Hugo.

J’ai publié aussi sur ma jeune chaine Youtube une vidéo pour aider les élèves à apprendre cette poésie. La poésie sera entendue trois fois, et, le texte, petit à petit, sera un peu masqué. Ici, il n’y a pas beaucoup de difficultés. Il faut seulement faire attention aux E. Certains E doivent être prononcés (unE jeunE guenon, 6 syllabes, et pas un’ jeun’ guenon…) :

Fable 3 : Le danseur de corde et le balancier

Peut-être que vous découvrez l’histoire de ce jeune funambule, très doué, que tout le monde vient applaudir. Un jour, il se dit que son balancier est très encombrant et qu’il serait bien plus à l’aise sans lui. Mais… sans balancier, il se casse le nez. Le fabuliste compare le balancier aux règles et aux lois que nos élèves trouvent contraignantes et gênantes, mais qui sont là pour les garder en sécurité.
Le danseur de corde et le balancier de Jean-Pierre Claris de Florian Sur la corde tendue un jeune voltigeur Apprenait à danser ; et déjà son adresse, Ses tours de force, de souplesse, Faisaient venir maint spectateur. Sur son étroit chemin on le voit qui s’avance, Le balancier en main, l’air libre, le corps droit, Hardi, léger autant qu’adroit ; Il s’élève, descend, va, vient, plus haut s’élance, Retombe, remonte en cadence, Et, semblable à certains oiseaux Qui rasent en volant la surface des eaux, Son pied touche, sans qu’on le voie, À la corde qui plie et dans l’air le renvoie. Notre jeune danseur, tout fier de son talent, Dit un jour : à quoi bon ce balancier pesant Qui me fatigue et m’embarrasse ? Si je dansais sans lui, j’aurais bien plus de grâce, De force et de légèreté. Aussitôt fait que dit. Le balancier jeté, Notre étourdi chancelle, étend les bras, et tombe. Il se cassa le nez, et tout le monde en rit. Jeunes gens, jeunes gens, ne vous a-t-on pas dit Que sans règle et sans frein tôt ou tard on succombe ? La vertu, la raison, les lois, l’autorité, Dans vos désirs fougueux vous causent quelque peine ; C’est le balancier qui vous gêne, Mais qui fait votre sureté.
Et voilà sa vidéo, dont vous pouvez donner le lien à vos élèves pour les aider à apprendre.
Conclusion ?
Cela « me regarde », mais je trouve qu’au CM, on peut sortir des poésies un peu nunuches qui leur sont servies parfois. Je vois des collègues qui font apprendre par cœur les paroles de chansons de variété, ou des textes écrits par des poètes-improvisés… Je trouve cela dommage. Pour moi, on passe à côté d’une occasion de faire découvrir aux élèves une langue qu’ils ne liraient jamais seuls à cet âge. Ils n’ont pas besoin de nous pour découvrir les textes de Pascal Obispo… Bref, dans ma classe, je reste exclusivement sur des poèmes dont le niveau de langue est soutenu et le lexique riche. Je choisis souvent des textes célèbres. Cela me semble important. Mes élèves apprennent au moins 2 grandes poésies de Hugo, et aussi Maupassant, Verlaine, Hérédia (…) La Fontaine bien sûr, un extrait du Petit Prince… Ah, et à chaque fin de période, on révise toutes les poésies de l’année et on en récite une piochée au hasard (voir ici mon fonctionnement plus détaillé).

D’autres idées ?

En suivant ce lien (clic) vous pourrez trouver sur ce blog d’autres idées de poèmes à enseigner, et quelques articles sur la poésie à l’école.

charivari

Professeur des écoles (directrice d'école) en Sologne

31 commentaires

christellemars · 23 août 2017 à 8 h 57 min

Oh, merci ! Justement je cherchais ma poésie de rentrée et je ne pensais plus à celle-là.
J’aime bien les faire réfléchir sur l’importance du travail personnel. Je vais avoir des CE2/CM1 donc les CE2 auront le choix avec une autre poésie plus facile.

gwé · 23 août 2017 à 12 h 58 min

Même avis que toi ! Beaucoup de « grands auteurs » et de textes connus proposés à mes CE2-CM1 l’an dernier. Je propose généralement au moins 2 textes et l’élève choisit après lecture et discussion collective: je suis toujours super contente quand les élèves (pas toujours « les bons élèves ») choisissent ces beaux textes, même plus difficiles.
Merci pour cette fable et sa super morale!

Aalyn · 23 août 2017 à 17 h 38 min

géniale cette poésie! merci pour cette belle découverte et pour tout le reste!!

Mylie · 23 août 2017 à 17 h 46 min

Quelle belle découverte… très belle poésie pour commencer l’année…
Merci pour tous ces partages!

Valala · 23 août 2017 à 23 h 49 min

Mon fils l’a apprise il y a quelques années et je pense que je vais en faire profiter mes nouveaux élèves. Merci pour les nombreuses ressources partagées !

Anne · 25 août 2017 à 21 h 43 min

Oh, cette poésie, je l’ai apprise en cm1 ou cm2 il y a un peu plus de 30 ans…. et je ne connaissais alors que les noix sèches, sans leur coque verte, merci pour ce souvenir!
Je partage ce choix de faire apprendre de « beaux » textes aux élèves, en plus ils font partie de notre patrimoine et c’est un apport culturel important. En cycle 2, c’est parfois plus difficile…
Merci pour ce blog, pour le regard positif qu’il donne!

    Charivari · 25 août 2017 à 22 h 11 min

    En cycle 2 il y a des poètes plus récents mais dont les vers sont magnifiques : Maurice Carême, en particulier, soignait vraiment le mètre, le rythme, les sonorités de ses vers, même s’ils étaient destinés à des écoliers. Il y a aussi le cher petit oreiller de Marceline Desbordes Valmore, les escargots de Prévert, le petit cheval de Paul Fort, Maurice Rollinat et sa biche qui brame au clair de lune… Dans notre école, les CE1 apprennent la Cigale et la fourmi ou le Corbeau et le renard

Magali · 26 août 2017 à 15 h 33 min

Merci pour votre travail !
Je suis totalement d’accord avec votre analyse et je fais de même. je trouve vraiment dommage que les élèves de cycle 3 n’apprennent pas des textes qui sont la richesse de la langue française. Si nous ne leur faisons pas connaître ces textes, qui le fera ?
J’aime aussi le laboureur et ses enfants avec la même morale.

    Charivari · 26 août 2017 à 16 h 15 min

    oui, le laboureur et ses enfants, on la fait au CM1 dans notre école (nous avons fixé, dans la programmation d’école, des titres de fables de la Fontaine, par niveau de classe. Ils en apprennent donc une par an et on est surs de ne pas se marcher sur les pieds)

Joel FLEURANCEAU · 28 août 2017 à 2 h 40 min

Oui, belle découverte, merci !
La bise !

Camille · 3 septembre 2017 à 9 h 06 min

Très bonne idée! Je prends pour mes CM2, merci!

Ludivine · 3 septembre 2017 à 10 h 26 min

Merci Charivari pour cette belle fable. La morale est très pertinente pour ce début d’année, la langue est belle tout en restant facilement compréhensible. Je ne connaissais pas ce fabuliste, merci pour cette découverte ! Je vais fonctionner cette année avec des poésies au choix pour mes 7 CM1 (recueil trouvé chez MysticLolly), mais pour la première de l’année, ils apprendront tous celle-ci.

Bonne rentrée !

Géraldine · 7 septembre 2017 à 22 h 57 min

Bonsoir et Merci
Je suis comme Anne, j’ai appris cette fable il y a environ 30 ans, je ne m’en souvenais plus, mais à la lecture, elle me revenue en tête directement et presque complète.
Merci.

Alex · 23 juillet 2018 à 16 h 58 min

Je découvre : merci merci merci !!!

Caroline · 28 août 2018 à 12 h 11 min

Merci pour cette poésie de rentrée qui entre parfaitement dans mon thème de l’année .. la gourmandise. J’ai eu la même expérience que toi concernant l’apprentissage des poésie en recueil. Je préfère qu’ils apprennent tous la même. D’autant plus qu’à la fin de l’année nous les mettons en scène pour les présenter aux parents et ainsi montrer que nous apprenons les poésie pour les partager avec un public autre que la classe. Ils accrochent encore plus avec cette méthode car c’est la préparation du spectacle qui les motive. La prise de parole est donc doublement travaillée. Merci pour cet article fort intéressant !! Et pour ton aide au quotidien !!

isa2lorant · 9 septembre 2018 à 13 h 56 min

J’adore… et j’adopte!
Merci merci
et belle année à toi! 😀

Sandym · 20 août 2019 à 15 h 29 min

Merci pour cette belle (et intelligente) fable. La morale me semble parfaite pour démarrer l’année. Encore merci

Stéphanie B. · 27 août 2019 à 14 h 05 min

Merci pour les propositions, je cherchais des poèmes de rentrée voilà qui est fait. J’ai créé un document avec les poèmes et des QR code renvoyant aux vidéos si ça peut-être utile.

    charivari · 27 août 2019 à 22 h 46 min

    C’est une bonne idée, le QR code ! Si tu veux me l’envoyer, je le publierai ici (avec ton accord bien sûr)

CélineNP · 29 août 2019 à 15 h 23 min

Merci pour cette jolie réflexion sur la place de l’enseignement de la poésie. Je te rejoins complètement.
Merci également pour ce partage de grande qualité. Les textes sont très bien choisis et je vais utiliser ton travail.
Sans vouloir t’offenser, je me permets de te signaler une petite coquille dans le texte de la première fable en vidéo. Tu as oublié le « s » à certes.

    CélineNP · 29 août 2019 à 15 h 25 min

    Oups! Il s’agit de la 2ème fable!

    charivari · 29 août 2019 à 16 h 39 min

    Non je ne l’ai pas oublié. Certes s’écrit sans -s dans ce poème.
    (Ceci dit, cela m’arrive de laisser des coquilles dans mes documents et peu de gens prennent le temps de me le signaler, donc je t’en remercie !)

CélineNP · 29 août 2019 à 15 h 42 min

J’ai fait qqs recherches sur ce fameux « s » à certes. Apparemment sur le texte d’origine, il n’y est pas. Tu l’as noté dans ton PDF. Désolée pour ce long discours pour un si petit détail!

    charivari · 29 août 2019 à 16 h 38 min

    En effet. Pas de s à Certe dans ce texte.
    Voilà ce qu’en disent les expert du « projet Voltaire » :
    « Contrairement à de nombreux mots (sans, tandis, volontiers, le ores de d’ores et déjà) pour lesquels le « s » final, dit « adverbial », a été ajouté au Moyen Âge, « certes » doit le sien à l’étymologie, puisqu’il descend du latin vulgaire certas. Cela n’a pas empêché les poètes de l’en priver souvent, chaque fois en tout cas que l’exigeait la rime ou le mètre ! »

    Bref, comme le « e » de encore, on a affaire à une « licence poétique ». Ici, j’imagine que le poète (trèèèèès classique) voulait éviter la rime imparfaite de certes avec verte.

Elo-iz · 1 septembre 2019 à 10 h 00 min

Bonjour ! J’aime beaucoup cette idée de fables et je pensais sélectionner pour la rentrée la fable de la guenon. En d’effet, j’apprécie la morale. Cependant, je suis un peu embêtée (peut être mon côté féministe) de voir que c’est une femmelle qui n’arrive pas à ouvrir la noix, qu’on se rit d’elle au contraire du mâle qui montre l’exemple. Comment faire pour ne pas renforcer inconsciemment des clichés chez les élèves ?
Merci pour la réponse !

Akumatchan · 8 septembre 2019 à 9 h 58 min

Merci beaucoup pour ce partage. Une belle découverte!

Caroline · 8 septembre 2019 à 20 h 04 min

Merci pour ce partage et pour l’article sur le fonctionnement en poésie, que j’ai trouvé très intéressant. Je m’installe cette année en CM1-CM2 et les réflexions de maîtresses chevronnées me sont bien utiles 🙂

Agathe · 3 octobre 2019 à 19 h 28 min

Merci pour ce travail partagé!
Nous avons pris la poésie avec mes élèves de CE2 avec beaucoup de joie et de facilité grâce à la petite vidéo!
Je me demandais quel logiciel tu as utilisé pour la faire, car je souhaiterais en faire moi-même.

    charivari · 4 octobre 2019 à 9 h 14 min

    Bonjour !
    j’ai utilisé Spark video, une application gratuite sur iphone. C’est ultra simple et pratique. J’ai entendu dire récemment que Spark était désormais disponible aussi sur Anroïd. Je ne sais pas si c’est vrai.
    Il faut quand même préparer les « photos » du texte, que je masque progressivement. Une fois sur le téléphone, l’enregistrement est simplissime.

    agathe · 5 octobre 2019 à 11 h 47 min

    Merci infiniment

Tichat · 11 avril 2021 à 0 h 47 min

J’ai trouvé une superbe astuce pour les élèves les plus réticents à la récitation classique des poèmes et aux petits soucis de mémorisation : la chanson !!! N’hésitez pas à aller voir la chaîne de Po é Sie : https://youtu.be/pgzxE9QWvNY
Il y a régulièrement de nouveaux poèmes 👌
Mes élèves en sont fans !

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