Les futurs profs ont souvent besoin de conseils sur la gestion du bavardage, de l’attention des élèves, du calme. Comment avoir une classe calme ? Je vais peut-être oublier plein de choses, mais voilà ce que le sujet m’inspire :

D’abord, tous les « systèmes » de bons points, de tampons(*) ou de « machins » dans lesquels les élèves « montent et descendent » au cours de la journée ou de la semaine ont des effets pervers importants pour des effets positifs que je trouve finalement très minimes. Les élèves sages restent « dans le vert ». Les plus agités sont en permanence « dans le rouge ». Pour peu qu’on informe les parents de la couleur d’arrivée, cela devient LE sujet majeur de la vie de l’écolier. Il n’est pas rare d’entendre des parents accueillir leur enfant à la grille par un « alors, tu es de quel couleur ? » . C’est un peu terrifiant.
Bien sûr, on peut essayer de ne rester « que dans le positif » ou dans la récompense, mais on se retrouve toujours, au final, avec les élèves ultra-décorés (qui adorent le dispositif), et les autres.
Ayleen, de la tanière de Kyban, a écrit un bel article sur le sujet (clic). De mon côté, des systèmes, j’en ai essayé plein et les ai abandonnés tous.

Je me relis et je réalise que je suis très péremptoire sur le sujet. Pourtant, je suis la première à avoir essayé plein de choses, soit parce que je déchargeais une collègue qui avait un dispositif, soit parce que j’avais été séduite par un joli affichage qui s’inscrivait bien dans mon projet d’année… Peut-être passerez-vous par les mêmes étapes que moi (vous essaierez, et puis finalement renoncerez… ?)

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Nous avons tous des niveaux de tolérance différents au bruit. Les élèves aussi d’ailleurs (certains sont franchement gênés dans une classe bruyante, d’autres pas).

De mon côté, mon seuil de tolérance est très bas. Le calme, le silence, sont des éléments auxquelles j’accorde énormément d’importance. Quand j’ai de stagiaires dans ma classe, ils sont souvent très surpris du calme qui règne, en particulier dans les temps d’autonomie, d’atelier, de jeux. Pour moi, le travail en groupe n’est possible que si tout le monde est super-silencieux.

OK, mais comment faire ?

  1. Parler à voix basse

    C’est la chose qui m’a le plus frappée quand j’ai visité la classe de Fred, cette maitresse de maternelle qui m’a accueillie alors que j’étais en formation d’apprentie-maitresse : Fred parlait tout le temps à mi-voix. Et la classe était d’un calme ! Vous auriez vu ça… Un calme qui m’a semblé à mille lieues de l’image effervescente que j’avais d’une classe de maternelle.

    Alors je me suis noté cela dans mes tablettes, et j’ai essayé de faire pareil. Dès le début de la journée. Dès le « bonjour » du matin : parler paisiblement, et doucement. Et ça marche. Et c’est drôlement agréable pour tout le monde.

    Cela fonctionne par « mimétisme » d’abord (enfin, je crois). Vous parlez bas, les élèves parlent bas.
    Et puis cela apaise les élèves. Cela les apaise de l’excitation de la récré, de l’excitation des bonnes blagues de leur voisin, du stress de la leçon pas très bien sue…

    La maitresse parle doucement… et tout le monde se calme.

    Remarque : Cela parait simple comme ça, mais ça ne l’est pas. Surtout dans le stress des premiers jours de sa première classe.  Il faut « se forcer » à parler plus bas, pour que les élèves doivent « tendre l’oreille ». Et tenir toute la journée. Au début je me l’écrivais en rouge sur toutes mes preps et toutes mes pages de cahier journal ! Après, cela devient assez naturel. 

  2. Beaucoup ritualiser

    Ritualiser, c’est donner à la classe des petites habitudes qui créent du confort. On est tranquille, on sait ce qui va se passer. Pour moi c’est LA clé pour avoir une classe calme : essayer d’avoir des journées qui se ressemblent, où tout s’enchaine sans surprise (ou alors des surprises rares et cadrées !).

    On peut parler des habitudes d’entrée en classe, des habitudes dans le déroulement de  la journée (rituel du matin, moments de décontraction entre deux séances, certaines disciplines placées toujours au même moment…), du retour au calme en fin de récré…

    Des habitudes aussi dans les travaux donnés : les élèves aiment faire dix fois, vingt fois le même exercice. Venir au tableau. Avoir l’impression que c’est « trop facile » tellement on l’a fait souvent… Pour tous les savoirs fondamentaux (trouver le sujet et le verbe dans une phrase, poser telle opération, analyser une phrase, mettre en ordre alphabétique…), j’aime bien faire des microexercices, tous les jours, avec exactement la même consigne : les élèves ne sont pas pollués par la « nouveauté » de la consigne, ils sont au travail, ils réussissent tous peu à peu.

    A l’ESPE on parle beaucoup de recherches, de situations problèmes (…) c’est vrai que c’est important tout ça, mais je trouve que la journée doit être rythmée par des retours fréquents aux exercices familiers, rassurants, tranquilles. On s’entraine, on automatise… Des « anti-situations-problèmes », en quelques sortes… 

    Pensez aussi bien à prévoir dans votre journée des moments de « respiration » où les élèves peuvent laisser reposer leurs neurones (relaxation, chanson en anglais, petit jeu, cohérence cardiaque, devinette) : ces moments seront d’autant plus efficaces (et rapides) qu’ils seront très ritualisés.

    Pensez enfin, dès le début de l’année, à donner des consignes très claires aux élèves sur ce qu’ils ont le droit de faire quand ils ont fini leur travail. Dans ma classe, ils ont toujours un roman en cours, dans leur casier (voir ceintures de littérature). On a fini son exercice ? Hop, on lit. Pas de déplacement inutile, pas de bruit, et la lecture, on n’en fait jamais trop.

  3. Tolérer

    Bon, on a tous été élèves. Aujourd’hui encore,  quand vous allez en journée de formation continue, est-ce qu’il ne vous arrive jamais de rêver, de griffonner dans la marge ou de papoter avec votre voisin ? Si, hein ?

    Bref, il faut se faire une raison : comprendre que ses élèves ne sont pas tous passionnés par la grammaire ou l’instruction civique. Ne pas prendre pour une injure personnelle quand ils soufflent ou grognent à l’annonce de tel ou tel évènement de la journée (voire, se remettre en question quand plus personne n’est concentré : a-t-on correctement équilibré notre journée ?)

    Et surtout, avoir les idées claires sur les moments où vous exigez le silence complet (et ce n’est pas possible d’exiger cela pendant 6 heures de classe) et les moments où les élèves peuvent se permettre de chuchoter.

    Chuchoter ? Ah oui, ça c’est un apprentissage essentiel si on veut pouvoir travailler en groupe. Chuchoter, ce n’est pas murmurer. La différence ? Allez voir là : clic

  4. Sanctionner rapidement, fermement…. et aussi gentiment que possible.

    Nous y voilà. Tout au long de la journée, il y a des élèves qui vont faire du bruit quand il ne faut pas. Que fait-on dans ce cas là ? En vrac :

    – On se tait et on attend que les élèves se taisent (c’est la méthode numéro 1, à utiliser dès le début de la journée, sans attendre qu’un brouhaha s’installe).

    – On leur demande simplement de se taire. Ne JAMAIS essayer de parler plus fort pour « passer au-dessus » du groupe. Pas besoin de hausser la voix, on peut le faire gentiment, en interpellant juste l’élève par son prénom, par exemple.
    On peut circuler dans la classe en posant la main sur l’épaule des bavards et en leur demandant de se taire en chuchotant…

    – On lui demande  de se déplacer (c’est ma sanction favorite : C’est très pratique de prévoir quelques tables isolées et vides dans le plan de classe, au fond de la classe, tout près du tableau… : on dit à l’élève « allez, viens travailler sur cette table, tu pourras mieux te concentrer… ». Cela a l’avantage de le séparer du voisin avec lequel il discutait. Très vite, au bout de 15 minutes, on lui propose de regagner sa place.)

    –  Quand ce n’est pas suffisant, il faut passer, par exemple, aux contrats (voir par exemple chez Lutin Bazar

  5. Bien préparer sa journée

    Là, je ne vais pas épiloguer, parce qu’on fait ce qu’on peut, mais vous verrez tout seuls que les jours ou votre journée est bien préparée, tout s’enchaine bien mieux, et tout se passe bien mieux que quand ce  n’est pas le cas.

    Quand on a une après-midi mal ficelée, on le « paye » souvent parce que ces temps de flottement sont ressentis par les élèves.

    Je me fais souvent la réflexion que je suis parfois fatiguée le jeudi soir et ma journée du vendredi est alors un peu bâclée. Dans ce cas, j’ai facilement tendance à me dire « ouh la, ils sont bavards, parce que c’est vendredi, ils sont fatigués… » mais je réalise au contraire que, quand je prends le temps de bien mitonner ma journée, vendredi ou pas, les élèves ne sont pas plus bavards que les autres jours, mais au contraire paisibles et actifs. Je sais ce qu’il me reste à faire…

Voilà, en conclusion, si votre classe est, à votre gout, trop bavarde, demandez-vous :

  1. Est-ce que je fais attention à parler très bas ?
  2. Est-ce que j’ai vraiment appris à mes élèves à chuchoter ? Font-ils la différence avec murmurer ?
  3. Est-ce que je chuchote moi-même systématiquement dans ces moments où j’attends qu’ils chuchotent ? (travaux de groupe, ateliers)
  4. Qu’est-ce que je pourrais ritualiser encore plus ? Comment pourrais-je faire en sorte que chaque mardi se ressemble + ? Et même que le mardi ressemble au lundi ?
  5. Quels petits moments de détente ou de respiration pourrais-je mettre en place ?
    Une comptine d’anglais avec des gestes entre la dictée et les maths ? Une séance de respiration guidée après la récré ? Une séance de grammaire où on se lève quand on repère un verbe et on s’assoit par terre si c’est un nom ?
  6. Est-ce que je pourrais mieux gérer le retour au calme ?
    Comment je m’y prends quand la classe parle fort ? Est-ce que je fais attention à ne jamais parler plus fort que le groupe quand le niveau sonore monte ?
  7. Est-ce que mes journées sont assez préparées pour qu’il n’y ait pas trop de temps de flottement ?

(*) Ne nous méprenons pas, j’utilise toujours énormément de tampons, à la place des tb dans la marge des cahiers. Je tamponne à tour de bras, un joli cahier, une dictée réussie, un calcul juste… mais je n’ai pas de dispositif de « collection » qui valoriserait les élèves qui en auraient le plus.


charivari

Professeur des écoles (directrice d'école) en Sologne

17 commentaires

Christine BADROUILLARD · 31 décembre 2020 à 8 h 41 min

Merci !
Moi non plus je n’utilise plus les couleurs de comportement ou tout autre système semblable pour les mêmes raisons que toi et je me sentais un peu seule. Je sais que ma première bonne résolution de l’année sera de parler à voix basse, ça paraît simple comme ça mais j’ai conscience du boulot.
Bon bout d’an

    Dracorb · 31 décembre 2020 à 9 h 02 min

    PES cette année, j’ai testé le fait de parler plus doucement.
    Le problème c’est qu’avec le masque, ils ne voient pas que j’essaye de leur parler, et ils m’entendent encore moins quand il y a du bruit (et j’ai une classe qui résonne beaucoup je pense).

Chat noir · 31 décembre 2020 à 12 h 01 min

Merci pour cet article Charivari ! Je me reconnais sur pas mal de points : parler calmement, beaucoup ritualiser (essentiel !), bien préparer sa classe… Le programme de la journée est affiché au tableau et l’on s’y réfère souvent, plusieurs rituels ponctuent ce programme.
Pour ce qui est de se déplacer le moins possible, lorsque le travail est fini, je propose à mes élèves des petits exercices (mots fléchés…) ou des ateliers et ils vont les chercher car mes CP ont encore du mal à rester assis plus d’1H sans bouger. Mais ces déplacements sont très calmes.
Je n’ai pas encore abandonné mon système. En classe, je pourrais le faire sans problème mais en sortie, j’ai encore des élèves qui s’agitent beaucoup, toujours les mêmes bien sûr, et je souhaite avoir un moyen de dissuasion pour les aider à se maîtriser !

Sabine Mombelli · 31 décembre 2020 à 17 h 47 min

Merci Charivari pour cet article plein de bon sens. A mon avis, tu pourrais ajouter, pour ceux qui le souhaitent, éduquer les élèves à écouter, à faire attention, en suivant le programme ATOLE de Jean Philippe Lachaux. Une mine d’or pour comprendre comment le cerveau est attentif, et dans quelles conditions.

    charivari · 3 janvier 2021 à 18 h 20 min

    C’est vrai, c’est une belle référence.

Anne Alepsie · 1 janvier 2021 à 17 h 06 min

Petite routine: pour demander le silence, je fais un compte à rebours: main levée, je compte à haute voix: 3 (pouce index majeur levés) … 2 pouce index levés) … 1 (index levé)… chuuutttt silencieux (mimé avec l’index levé sur la bouche) !!! … celui qui parle est « gentiment sanctionné » (un truc symbolique)… ils savent, et se taisent au chuuuttt

Hussein · 6 janvier 2021 à 23 h 41 min

Bravo, rien n’a été oublié. Je me faisais les mêmes remarques après toutes ces années dans le métier et je suis très heureux de les retrouver écrites et du coup, transmises aux jeunes entrants. Et pour l’absence de langue de bois pedagogico-didactico… sur un sujet aussi important, double bravo!!

Audrey · 16 janvier 2021 à 16 h 36 min

Merci beaucoup pour ces précieux conseils.

hanneton · 19 mars 2021 à 23 h 31 min

Bonjour,
Est-il possible selon vous de faire de la respiration guidée ou cohérence cardiaque en classe avec le masque ?
Je ne trouve aucune information à ce sujet.
Merci d’avance,
Anne

    charivari · 26 mars 2021 à 21 h 38 min

    Certainement. Le masque ne gêne pas du tout la respiration (le masque chirurgical, du moins)

McKeown Céline · 18 octobre 2022 à 14 h 58 min

Bonjour,

J’ai lu votre article avec attention. J’aimerais savoir si vous pouvez me recommander un ouvrage pour aider une jeune stagiaire dans mon école. Elle est alternante et travaille 1 jour par semaine dans l’école comme décharge de direction. Elle a beaucoup de mal à gérer le groupe classe ( CM1)
Je vous remercie

    charivari · 19 octobre 2022 à 18 h 54 min

    Bonjour,
    j’ai vu passer un ouvrage de chez Retz je crois, mais je ne l’ai pas lu.

Brenda · 13 décembre 2022 à 5 h 33 min

Gracias por tus consejos, soy educadora de nivel preeescolar y la verdad leer tu post me ha dado unas ideas, me gusto mucho gracias y saludos desde México

    charivari · 15 décembre 2022 à 22 h 15 min

    ¡Gracias por tu visita y tu mensaje! Me encanta saber que soy leída de México y tengo un cariño particular por tu idioma, que aprendí en la escuela. ¡Vuelve cuando quieras!

Pédagogie - cdibookmarks | Pearltrees · 6 janvier 2021 à 8 h 57 min

[…] Éducation : pour en finir avec la "constante macabre" EPCC : expérimentation. Evaluer autrement : l’Evaluation Par Contrat de Confiance (EPCC) (ac Nancy) Un Guide pour votre rentrée. Pour une classe paisible mais active. […]

Gestion de classe | Pearltrees · 10 janvier 2021 à 21 h 26 min

[…] Pour une classe paisible mais active. Je discute en ce moment avec des PES sur les réseaux sociaux et ils me disent qu’ils ont besoin de conseils sur la gestion du bavardage, de l’attention des élèves, du calme. Comment avoir une classe calme ? Je vais peut-être oublier plein de choses, mais voilà ce que le sujet m’inspire : D’abord, tous les « systèmes » de bons points, de tampons(*) ou de « machins » dans lesquels les élèves « montent et descendent » au cours de la journée ou de la semaine ont des effets pervers importants pour des effets positifs que je trouve finalement très minimes. Les élèves sages restent « dans le vert ». Les plus agités sont en permanence « dans le rouge ». Pour peu qu’on informe les parents de la couleur d’arrivée, cela devient LE sujet majeur de la vie de l’écolier. Il n’est pas rare d’entendre des parents accueillir leur enfant à la grille par un « alors, tu es de quel couleur ? […]

Veille de Janvier 2021 | Pearltrees · 13 janvier 2021 à 10 h 57 min

[…] Pour une classe paisible mais active. Je discute en ce moment avec des PES sur les réseaux sociaux et ils me disent qu’ils ont besoin de conseils sur la gestion du bavardage, de l’attention des élèves, du calme. Comment avoir une classe calme ? Je vais peut-être oublier plein de choses, mais voilà ce que le sujet m’inspire : D’abord, tous les « systèmes » de bons points, de tampons(*) ou de « machins » dans lesquels les élèves « montent et descendent » au cours de la journée ou de la semaine ont des effets pervers importants pour des effets positifs que je trouve finalement très minimes. […]

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