J’ai recherché aujourd’hui des ressources pour parler de la guerre en Ukraine, en classe, à des écoliers. Je n’ai rien dit jeudi [24 février 2022], ni vendredi, parce que je ne me sentais pas du tout compétente sur le sujet et que les enfants ne m’ont rien demandé. J’ai sans doute eu tort : j’ai appris, vendredi soir, qu’ils en avaient beaucoup parlé pendant la pause méridienne alors je pense qu’il faut répondre à leurs questions. Comment ? Quelques pistes :

Toute la difficulté, quand on s’adresse à une classe entière, c’est que tous n’ont pas vu ni entendu la même chose. Il faut essayer de ne pas devancer les questions (ne pas répondre à des questions qu’ils ne se posent pas). Ne pas oublier non plus qu’il y a des parents qui protègent leurs enfants de l’actualité trop violente : ce serait dommage que l’école soit responsable de gâcher cela.

Malgré tout, c’est triste, mais nous commençons à être habitués à parler d’évènement terribles à nos classes, depuis les attentats. J’ai toujours en tête ces conseils de pédopsychiatres : « Inutile d’employer des mots qu’ils ne comprendraient pas. Le regard de l’adulte, sa voix, son calme seront bien plus importants pour lui, indiquait le Pr Duverger. S’ils s’interrogent, répondez simplement, sans dramatiser. Et surtout en évitant de transmettre votre propre angoisse éventuelle. Comme l’enfant n’est pas capable à cet âge de prendre du recul et de comprendre la situation, votre seul objectif doit être de le rassurer.« 

Au cycle 1

Le plus rassurant, pour les élèves, c’est que la petite vie de l’école continue normalement. Je suis farouchement hostile à ces « minutes de silence » que le gouvernement croit bon d’infliger aux enfants dès 3 ans. En maternelle, on ne met pas les enfants en silence pour penser aux gens qui sont morts (!) Les enfants ont besoin de voir que la vie continue, justement. Et, parfois, ils ont besoin de mots (et pas de silence).

Si jamais les élèves parlent du conflit ou posent des questions, il sera important de répondre tranquillement, autour de « C’est très loin, ce n’est pas chez nous ». Il n’est aucun besoin de parler d’autre chose à des enfants de 4 ans.

Cependant, certains élèves auront vu des images. C’est malheureux, mais il y a des parents qui ne se rendent pas compte de l’importance d’éloigner les enfants des écrans en ce moment. Ces élèves vous diront peut-être que cela leur fait peur. Il faut valider ces émotions. Les normaliser : oui, ce sont des images qui font peur. Elles sont effrayantes. Heureusement que… cela se passe très loin de chez nous.

Au cycle 2 et au cycle 3

Quelques règles à avoir en tête :

  • Inutile de montrer des images de guerre. C’est anxiogène et cela n’apporte rien. Beaucoup d’élèves en auront déjà vu chez eux, et ceux qui n’en ont pas vu ne perdent rien. Ici, je ne ferai pas de diaporama pour mes CM.
  • Comme au cycle 1, l’objectif numéro un c’est de rassurer les enfants. Leurs premières questions tournent autour de « Est-ce que nous sommes en danger ? » et « Est-ce qu’il peut y avoir la guerre chez nous ?« . Et nos réponses doivent arriver très vite :
    1/ « C’est très loin » (éventuellement, au CM, montrer des cartes aux élèves) et
    2/ « Non, aucun signe ne montre que la Russie veuille attaquer d’autres pays. C’est un conflit entre la Russie et l’Ukraine ».
    N’ayons aucun scrupule à pécher un peu par excès d’optimisme (et croiser tous les doigts).
  • Il ne s’agit pas de faire un cours de géopolitique. Les réponses doivent être très simples. Ce n’est pas du tout le moment d’expliquer ce que sont l’OTAN ou l’ancienne URSS : c’est trop compliqué et cela risque de brouiller le message.
Spectateur ou acteur ?

Ils demanderont peut-être : « Pourquoi il y a des guerres ?« . C’est le moment de définir ce que c’est une guerre : un conflit entre deux pays.
Regarder les petits conflits de leur quotidien. Comment peut-on éviter ces « batailles » dans la cour de récréation ? Comment faire la paix ?

On peut aussi parler de ces gens qui s’entraident : la solidarité des Polonais, par exemple, qui organisent l’accueil de milliers de réfugiés.

Pourquoi ne pas regarder comment les artistes luttent, à leur manière, contre la guerre ?

Des liens pour aller plus loin


charivari

Professeur des écoles (directrice d'école) en Sologne

23 commentaires

Clima · 27 février 2022 à 16 h 44 min

Merci pour ces mots pour nous aider avec nos élèves.

    LuluJouBou · 27 février 2022 à 18 h 44 min

    Merci beaucoup pour cet article. Maîtresse de GS, j ai déjà eu des questions dès ce vendredi de la part de 2 élèves très inquiets.

celine · 27 février 2022 à 17 h 44 min

un grand merci de nous aider à trouver les mots et à ajuster notre parole pour expliquer le monde et rassurer nos élèves.

Maitresse_Freinette · 27 février 2022 à 18 h 53 min

Merci pour cet article. Beau travail !

Mélanie · 28 février 2022 à 9 h 49 min

Merci Charivari pour ces infos !
Passer par l’art me semble effectivement une excellente idée … Ne pas minimiser mais expliquer pour rassurer !

Cham Ecole BLois · 28 février 2022 à 14 h 38 min

Merci pour ces ressources. L’art est effectivement un medium très intéressant.

chris · 28 février 2022 à 14 h 49 min

Merci beaucoup pour cet article. Cela m’aidera à répondre aux questions de mes élèves.

    Julia · 2 mars 2022 à 22 h 26 min

    Merci beaucoup d’avoir pris le temps d’écrire cet article. Je ne savais pas du tout quoi faire avec mes enfants et ce que vous dites me semble plein de bon sens.

Roxane · 2 mars 2022 à 19 h 27 min

Merci beaucoup pour cet article.

Sylvie · 4 mars 2022 à 10 h 27 min

Merci beaucoup pour cet article. J’avoue que je ne savais pas trop comment aborder le sujet. Finalement des mots simples et rassurants, c’est ce que les enfants attendent de nous… et les parents aussi qui sont comme nous un peu perdus.

Nanou · 4 mars 2022 à 10 h 47 min

merci beaucoup pour ce partage, c’est précieux.

CATHG · 4 mars 2022 à 18 h 37 min

Merci pour cet article qui correspond en tous points à ce que je pense, particulièrement concernant la fameuse minute de silence à laquelle je suis également très hostile en maternelle.

Cat · 4 mars 2022 à 21 h 24 min

Un immense merci pour ces précieux conseils qui me permettront d’arriver plus sereine en classe lundi, pour le bien de mes élèves!

Maitresse de Ce2 · 6 mars 2022 à 12 h 29 min

Merci, mille fois merci pour cet éclairage et le partage de ressources. Je me sens prête pour l’inévitable débrief de retour de vacances avec mes CE2… Ils sont très inquiets et se posent des questions. C’était palpable durant le SRAN. Je vais miser sur le non-verbal et la remise en contexte pour dédramatiser (sans mentir, simplement en mettant la focale sur ce qui va bien). Vous avez raison, ils n’ont pas besoin de tout savoir, c’est trop complexe à assimiler pour un enfant et anxiogène. L’ouverture que vous proposez sur les actes bienveillants (par exemple l’accueil en Pologne et ailleurs), ainsi que le recadrage sur la vie quotidienne (comment faire la paix entre nous ?), cette ouverture donc, est porteuse d’espoir et rassurante pour eux, je le pense sincèrement.
C’est la première fois que je commente mais je vous suis depuis des années.
Bonne continuation

    charivari · 7 mars 2022 à 20 h 14 min

    Merci pour ton commentaire. Bon courage avec tes élèves.

enrica · 6 mars 2022 à 20 h 51 min

Merci beaucoup pour ce partage précieux. Je me pose juste des questions pour le cycle 1 (et notamment pour des élèves de GS). Bien sûr, il faut surtout les rassurer (s’ils évoquent le sujet) mais, en même temps, se limiter à leur dire que « heureusement cela se passe très loin, ce n’est pas chez nous », c’est un peu affirmer de manière implicite – je sais bien que ce n’est pas le message que vous souhaitez faire passer – que la vie des autres ne nous concerne pas. Il faudrait peut-être profiter de l’occasion pour lire des albums sur la solidarité, l’appartenance commune à une seule humanité…Bon, c’est juste une réflexion, je ne sais même pas si elle est pertinente. Encore merci.

    charivari · 7 mars 2022 à 20 h 13 min

    Je crois qu’il ne faut pas sous-estimer l’angoisse pour leur intégrité. C’est essentiel de mettre le conflit à distance, vraiment. Après, dire qu’on est triste pour les ukrainiens et justifier ainsi la couverture médiatique, pourquoi pas, mais sans plus. Sinon il faudrait dans ce cas couvrir toutes les guerres, toutes les victimes de famines, d’épidémies, de guerres, d’exploitation, de sévices, d’abus… Ils sont petits quand même. Je crois qu’il vaut mieux se concentrer, au cycle 1, sur l’expression des sentiments, l’empathie avec les camarades de classe ou avec les proches. Il y a déjà du boulot.

StephP · 6 mars 2022 à 21 h 33 min

Merci pour cet article qui me permet d’y voir un peu plus clair. Moi aussi j’ai appris, après avoir choisi de ne pas en parler parce que je n’avais pas de demande des élèves, que finalement ils en avaient énormément discuté en récréation, suffisamment pour en inquiéter certains. Une petite parenthèse y sera donc accordée dès demain, histoire de rassurer tout le monde, ou du moins d’essayer…

Dom · 9 mars 2022 à 13 h 16 min

Encore une fois, mille mercis, mes cm2 me demandent depuis la rentrée d’en parler, je leur ai situé les choses et montré Mon quotidien pour les aider à avoir accès aux informations destinées à leur âge, on a parlé des réseaux sociaux et comment se protéger des images. Mais je n’ai pas eu le temps de répondre à leur questions. Je me suis documentée aussi pour mieux comprendre. Je vais suivre ces conseils et aller voir les sites donnés. Encore une fois, quel dommage que l’éducation nationale ne fasse pas ce travail que vous nous partagez si volontiers.

audélia · 11 mars 2022 à 12 h 36 min

1 jour 1 actu propose un numéro spécial Ukraine en téléchargement gratuit aujourd’hui (11/03).
Pour ma part, je le trouve très bien fait.

    charivari · 11 mars 2022 à 19 h 06 min

    Oui, à partir du CM.

Audi · 12 mars 2022 à 0 h 44 min

Votre site est génial et me laisse toujours pleine d’admiration face à tout votre travail que je regarde assez régulièrement !
Ce n’est pas évident de parler de la guerre mais ça l’est encore moins quand une enfant qui l’a vécue, et qui a dû s’enfuir avec sa mère et laisser son père combattre, va en entendre parler. Ce sera mon cas lundi, je vais accueillir une petite ukrainienne arrivée hier en France qui sera dans ma classe de CP/CE1. Bien entendu, je l’ai su ce vendredi à 17 h et bien entendu, personne ne m’a donné aucune piste quant à son accueil. Je suis démunie face à tout cela et surtout face à la manière d’aborder les choses avec cette petite qui ne parle pas du tout français : vaut-il mieux lui faire parler de son pays pour que les autres connaissent un peu son histoire et d’où elle vient, ou au contraire lui changer les idées en éludant le sujet et en l’intégrant directement comme une nouvelle élève ??? A moi de décider apparemment car sans aucune autre information que son nom et prénom, il faudra gérer seule et au mieux en espérant ne pas faire d’impair, comme d’habitude…

    charivari · 12 mars 2022 à 13 h 45 min

    Que c’est dur… Je vais publier des ressources « langagières » mais pour l’aspect psychologique, je ne sais rien.
    Comme ça, je dirais que tu ne peux pas faire de « mal » en lui laissant faire de ton école une petite « bulle de paix » et laisser venir ses questions ou ses envies de témoignage, sans rien brusquer.

    En revanche, il faudrait profiter d’un moment sans elle pour briefer les élèves…
    Bon courage…

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