L’année dernière [=2013], j’avais des Segpas, à mi-temps, en Zep/Eclair. J’enseignais, entre autres, les maths à des 4ème, et l’Histoire-géo à des 6ème/5ème. A cette occasion, j’ai expérimenté l’Évaluation par Contrat de Confiance.

Compte-rendu d’expérience.

Qu’est-ce que l’EPCC ?

C’est un dispositif d’évaluation inventé et promu par André Antibi, qui se déroule, grosso-modo, de la manière suivante :

J1 : 2 séances avant l’évaluation, on distribue le sujet de l’évaluation aux élèves. On les invite à le préparer à la maison.

J2 : A la séance suivante, on invite les élèves à poser toutes leurs questions sur cette éval : c’est l’occasion d’éclaircir des points restés obscurs, de refaire quelques exercices…

J3 : Enfin, vient la séance d’évaluation (où on donne exactement le même sujet que celui qui a été préparé)

Pour en savoir plus, lire ici.

Pourquoi l’EPCC ?

J’ai voulu mettre en place l’EPCC (ou quelque chose qui s’en approchait) dans mes classes pour :

  1. restaurer la confiance dans l’enseignant. Avec l’EPCC, le prof est là pour aider, pour expliquer, pour faire réussir. Il n’est pas là pour piéger.
  2. réparer le lien travail-réussite. Avec l’EPCC, si on travaille, on réussit. Or, ce lien travail-réussite est vraiment abîmé chez des élèves de Segpa.

Journal d’expérimentation

1. En Histoire-Géo (6e-5e)

J’ai transformé un petit peu le dispositif de la manière suivante :

A la fin de chaque cours, nous écrivions « Les questions auxquelles il faut savoir répondre« . Nous écrivions donc ensemble le texte de ce que serait l’évaluation (avec les critères de réussites). Pour les questions qui appelaient une réponse rédigée, nous écrivions aussi les mots clefs attendus dans la réponse (ci-dessous, un extrait de ce que ça pouvait donner. Je me photographiais tous mes tableaux pour être sure de poser exactement les questions prévues).

J'ai testé pour vous l'EPCC en Segpa

A chaque cours, j’interrogeais à l’oral les élèves sur ces questions (pour vérifier qu’ils avaient appris leur leçon). Au début des cours de deux heures, j’organisais chaque semaine un jeu en équipe d’un quart d’heure dans lequel je posais des questions sur toutes les leçons apprises depuis le début de l’année (toujours piochées parmi les questions préparées ensemble).

Le jour de l’évaluation, je reprenais, mot pour mot, les questions que nous avions préparées ensemble (mais seulement un échantillon des questions préparées, bien sûr. Les élèves ne savaient pas quelles questions je poserais parmi toutes celles qui avaient été préparées.)

Bilan : Le bilan est extrêmement positif. Non seulement mes élèves apprenaient leurs leçons, mais ils avaient, en fin d’année, des connaissances durables sur tout ce que nous avions étudié ensemble (sans doute grâce au rebrassage hebdomadaire).

2. En maths en 4ème

Octobre : premier essai.

J’explique le fonctionnement de l’EPCC aux élèves, je distribue le texte de l’éval en J1. J’invite les élèves à le préparer pour J2 où je répondrais aux questions. En J2, aucun élève n’avait préparé. J’entreprends donc de faire avec eux la correction de cette éval. J3 : fiasco.

J’essaie de comprendre ce qu’il s’est passé : les élèves ont été tout étonnés quand j’ai distribué l’éval. « Oh, mais, on l’a déjà fait ça ?! ». Je réalise qu’ils ne m’avaient jamais crue quand j’avais dit que je donnerais exactement la même éval que ce que nous avions préparé en classe.

Je décide donc de persévérer pour que les élèves comprennent le principe, comprennent qu’il « suffit » de savoir refaire les exercices de préparation, pour réussir.

Novembre : deuxième essai

Encore une fois, en J2, pas un élève n’avait préparé l’éval. Nous recommençons le même processus, correction, explication. En J3, éval. Aucune amélioration.

Là, je réalise que les élèves notent très mal la correction des exercices. Ils gribouillent, perdent leurs feuilles, se perdent dans leur classeur (ce n’est pas moi qui ai choisi le support « classeur »).

Décembre : troisième essai

Là, je ne leur demande plus de préparer l’éval à la maison entre J1 et J2. Je la distribue en J1 et nous la préparons ensemble en J1 et J2. Je prends le temps de leur faire faire les exercices en classe, de repérer ceux qui ont encore du mal, de faire des groupes, d’encourager le tutorat…

Nouveauté : en J2, je leur distribue la correction de l’éval. C’est une feuille que j’ai préparée moi-même, toute belle toute propre. Ils peuvent donc s’entrainer à la maison, et vérifier leurs résultats sur une correction fiable, bien expliquée.

Résultat : enfin un frémissement. Enfin de vrais progrès chez environ un tiers des élèves, qui commencent à « se prendre au jeu ». J’obtiens quelques « ah, c’est simple, en fait ! » qui me réjouissent.

Janvier à mars : de légers progrès

Je ne change rien au dispositif de décembre. L’écart se creuse entre une petite moitié de la classe qui décolle, qui prend confiance, qui devient active en classe, et le reste. Le travail à la maison n’est toujours pas folichon, mais l’éval est finalement préparée surtout en classe et, pour les élèves qui jouent le jeu, le résultat est là.

Je ne me satisfais pas de l’inertie de la grosse-moitié qui ne met pas en mouvement. J’en discute avec une copine maitre-formatrice qui me conseille de moins « assister » les élèves avec la feuille de correction toute-belle. Nous en discutons et convenons d’un nouvel essai : désormais, je ne distribuerai plus la correction de l’éval à tous les élèves, je ne ferai que la proposer.

Avril-mai : fin du test

Une partie des élèves a progressé. Rien que pour cette partie-là, je suis contente d’avoir mené cette expérimentation.

Désormais, je prépare la feuille de correction de l’éval, je la photocopie et je la pose en fond de classe. En J2, je dis aux élèves que la correction est là, et qu’avant de sortir, ils peuvent la prendre pour finir de préparer l’évaluation.

Un certain nombre d’élèves la prennent. Environ les 2/3 de la classe. Pour le tiers restant, je reste un peu dépitée.

Je laisse le mot de la fin à Romain* :

– Romain, tu ne prends pas la correction de l’évaluation pour la préparer pour jeudi ?
– mmm non, j’aime pas vot’ truc, avec les évals, là.
– ah ?
– mmmm… non
– pourquoi ?
– pas’que ça se voit trop que j’bosse pas.

(*) Le prénom a été changé

2015-4-12 11:01:00
Spécialisé

charivari

Professeur des écoles (directrice d'école) en Sologne

2 commentaires

Maitresse patricia · 23 octobre 2018 à 15 h 10 min

Bonjour,
Votre expérience m’intéresse beaucoup, je suis en train d’essayer de mettre ça en place dans ma classe de CE2 en grammaire. Auriez vous une fiche d’exemple à me montrer? Merci

    charivari · 24 octobre 2018 à 11 h 28 min

    Non, mais c’est simple, au CE2 : il suffit de donner des exercices types à travailler. De prévenir que l’évaluation portera sur ces mêmes exercices, et de donner, à l’éval, mot pour mot les mêmes consignes.
    C’est difficile de mettre exactement les mêmes phrases, mais tu peux mettre des phrases complètement équivalentes. Par exemple, si c’est un exercice de repérage du sujet, tu mets :
    Dans l’entrainement : Dans son panier dort le petit chat.
    Dans l’évaluation : Dans la rivière nagent de beaux saumons.

    Ah, et garder en tête que le CE2, ce n’est pas le collège : toutes les évaluations sont préparées en classe, pas à la maison.

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